• PETITS FAITS SAVOUREUX

    PETITS FAITS DIVERS SAVOUREUX

    Ma naissance fut importante, ben oui, c’était la mienne ! Le premier Février 1950 à 9 h 00 du soir je poussais une gueulante suite à la fessée de la sage-femme, c’était à la clinique sur le haut de Bagnolet, six lits, de nos jours ça n’existe plus… Mon père était ravi, le plus heureux des hommes, c’était un fils ce qui pour lui était important, l’hérédité, le nom, tout ça, ça jouait très sérieusement dans ses désirs cachés. Pour fêter cet événement il alla place de la Mairie en compagnie d’un autre papa, nouvellement promu lui aussi, puis tambourina sur le rideau de fer d’un café pour le faire ouvrir et ils trinquèrent au champagne, cela va de soi. De nos jours, il faut tout oublier, la petite clinique et le patron d’un café qui remet ses godasses pour descendre vous ouvrir, c’est fini.

    Mais je ne suis pas issue d’une famille quelconque.

    Mon oncle Pierrot avait pour habitude de prendre chaque matin sa serviette et son sac à détritus avant de descendre, mettre le sac dans la poubelle puis partir au travail. Un matin il se trompa de main, il mit la serviette dans la poubelle puis partit avec son sac, il prit le bus, puis le métro pour finalement le déposer sur son bureau ! Une autre fois, plus jeune, il partait en vélo et suite au travaux dans la rue, en bas d’une grande descente, il contournait par la gauche un haut tas de sable et poursuivait sa route, les travaux n’en finissaient pas et ça devint un rituel, un jour ils ont déplacé le tas de sable sur le côté gauche… Il s’est retrouvé avec un bras cassé et trois semaines d’arrêt de travail. Il était le champion de l’étourderie, médaille d’or toutes catégories et ses exploits en devenaient parfois sidérants. Un matin il voit plein de monde à l’arrêt de bus, il attend, un bus passe puis repart, un autre arrive et reprend son chemin, il s’impatiente quand une dame en noir s’approche de lui en lui parlant gentiment « je ne vous connais pas mais je présume que vous êtes de ses amis, je vous remercie de votre présence », il était dans la file d’attente à la sortie de l’Eglise, c’était un enterrement. Cela pourrait paraitre loufoque et pourtant c’est si vrai, mais il était possible de voir des choses qui ne sont plus réalisables aujourd’hui comme le matin où mal réveillé il se croit en retard, il court, tous les gens du matin se connaissent de vue et tous se disent "s’il court c’est que je suis en retard" et effectivement cinq minutes après c’est toute la rue qui court une fois arrivés au bus il fallut l’attendre… Plus beau, un jour à Paris c’était la grève des transports, la capitale était noyée sous les flots de circulation, alors les parisiens entrainés à ce genre d’exercice avait l’habitude de faire le voyage à plusieurs dans un taxi, chacun payait sa part de course et c’était réglé. Mon oncle faisait de même et donc il choppe une voiture et se penche côté passager pour demander au chauffeur sa destination, le chauffeur hausse les sourcils et regarde dans le rétro puis lui fait signe de s’assoir. Une fois arrivé à destination il se tourne vers lui, ouvre son portefeuille et lui demande combien il doit, le chauffeur lui répond « Je ne sais pas, demandez à mon patron ». Il était dans une voiture privée, confus il se retourna pour voir le couple hilare qui lui faisait signe qu’il pouvait partir.

    Mon père qui était presque son frère jumeau avait des tendances à faire de même.

    Le matin il faisait une toilette devant l’évier, il était six heures et du grésillement la radio passait soudainement la Marseillaise après avoir passé "l’heure Lip", fin prêt il partait au bureau. Un matin il se passe le peigne dans les cheveux, laisse le peigne pour se laver les mains puis s’en va prendre le bus, il constate que les gens le regardent, il va au métro et là aussi le même regard des passagers, il ne comprend pas, arrivé à son bureau d’études il se regarde dans la glace avec le peigne planté dans ses cheveux. Plus scrupuleux et complexé il a changé ses horaires pendant trois mois pour éviter le regard amusé des autres. Il a fait mieux, un jour, allez savoir pourquoi, il a laissé sa sacoche pour aller au bureau avec le broc à eau, carrément, il a fait tout le voyage jusqu’au bureau devant ses collègues étonnés qui le regardaient poser le récipient sur sa table de travail. Là il était difficile de se planquer, il fallut affronter l’hilarité de certains passagers.

    Je ne peux pas faire un inventaire complet de ce que je connais, mais mon oncle Louis du Berry qui s’est entiché d’une femme, il la voulait absolument seulement elle était dans les geôles de la résistance heureusement que le capitaine était un autre oncle qui la fit libérer sur promesse de mariage, un arrangement qui prévoyait bien des péripéties dans le couple… Bref, non, je n’appartiens pas à n’importe quelle famille !

    Blanchard Daniel - Porthos


  • UNE SEMAINE AVEC MON PERE

    UNE SEMAINE AVEC MON PERE

    Un jour mon père s’est vu supprimer son permis pendant huit jours, ce qui était une affaire d’état. Mon père qui ne supportait pas de payer ses impôts le jour même, il s’acquittait de cette tâche deux ou trois jours avant, qui ne voulait pas un découvert à la banque, bref, là il s’est fait piquer son permis et c’était une affaire d’une gravité absolue. Je lui proposais donc de le conduire pendant sa semaine de travail pour ne pas qu’il perde quoi que ce soit sur son salaire et l’affaire était entendue. Après tout, une semaine ce n’était pas catastrophique et c’est à cette occasion que j’ai fait connaissance du travail de mon père pendant une semaine dans le nord de la France.

    Une vie de dingue.

    Nous sommes partis le lundi, direction le 3secteur Nord" car il avait plusieurs secteurs, notamment l’Est, puis nous avons roulé. Au début il était inquiet imaginez, laisser le volant à son fils c’était plutôt dangereux non ? Mais il s’est vite fait à ma conduite et il devenait plus cool côté passager. Je roulais avec prudence et sans faire d’excès de vitesse, il avait pris la leçon, alors quand il y avait 130 ce n’était pas 132, il fallait faire gaffe. Bref, je l’ai donc accompagné chez ses clients. L’attente, c’est terrible de voir ça, on se croirait dans une salle d’attente chez le médecin ou le dentiste, ils sont tous sagement assis et ne disent pas un mot, à croire qu’ils prient pour vendre quelque chose. J’étais intérieurement révolté de voir ces gros mecs se prélasser dans le couloir sans un regard pour ces hommes qui venaient vendre leurs produits. Puis papa fut appelé, j’attendais dans la salle d’attente, il est ressorti 20 mn après, tout souriant, il avait bien vendu, ce qui ne satisfaisait pas ceux qui attendaient. Voilà comment se passaient nos journées, le midi nous mangions dans des restaurants parfois il rencontrait une connaissance et nous partagions sa table.

    La solitude, toujours.

    Moi j’étais jeune, je n’arrivais pas à comprendre le monde du travail comme mon père l’avait assimilé, mais je n’en disais rien, nous parlions de choses et d’autres, ça c’était les bons moments. Nous roulions de villes en nationales, de magasins en magasins, l’attente, toujours, mon père qui revenait souriant ou pas trop, ça dépendait. Le soir c’était l’hôtel, une petite chambre, salle de bains, nous partagions la même piaule, papa ne voulait pas faire supporter le prix de ma présence à son entreprise, les produits "Curtis". Une boite qui donnait dans la laque et les produits de beauté. Je regardais mon père et malgré moi j’avais le cœur serré, c’était donc ça sa vie ? Des randonnées dans les grandes surfaces, des restaurants le midi et le soir pour finir seul dans sa chambre, je n’en revenais pas, voilà donc ce que faisais mon père pendant que je m’amusais de mon côté. Je peux dire qu’à ce moment-là j’ai pris un coup de vieux quelque part. J’étais déjà attaché à mon père mais là, j’étais plus que jamais soudé à lui.

    Des souvenirs.

    Un soir il décida d’égayer notre soirée, nous allions dans les rues désertes d’une ville à la recherche d’un bar mais pas d’un bistrot, d’un bar de nuit que nous avons trouvé. Un truc grand et sympa avec des fauteuils confortables, nous avons pris un verre et nous avons passé le temps à discuter. Je savais que mon père était là pour moi, il était gêné de me voir avec lui comme ça, le soir, il voulait marquer le coup. Un midi nous étions dans un restaurant où nous mangions en tête à tête, il y avait deux femmes pas mal qui mangeaient à nos coté à une table voisine, elles n’arrêtaient pas de nous faire du gringue, j’allais pas me soulever une nana alors que j’étais avec mon père et en service commandé. Lui ça l’amusait moi du coup beaucoup moins. Quand nous sommes sortis il m’a confié « J’ai l’habitude, ce sont des femmes qui s’ennuient », et quand je lui demandais si des fois ça ne l’intéressait pas de faire un écart dans le contrat, il avait rigolé en haussant les épaules « je n’y pense même pas ! » et c’est vrai, plus sérieux que mon père ce doit être le pape et encore. Quand en fin de semaine il regarde ses papiers et qu’il fait un calcul global il me dit « c’est pas mal, ce n’est pas une mauvaise semaine » j’ai donc été satisfait, j’avais été utile. Nous avons repris la route tous les deux pour redescendre sur la capitale, là nous avons retrouvé maman elle me demandait comment ça s’était passé, je lui ai répondu « crois moi, ce que papa fait j’en serais incapable ».

    Blanchard Daniel - Porthos


  • BAINS

    BAINS

    Non, rien à voir avec la commune de Haute Loire qui du reste a une très belle Eglise et une chapelle mignonne, non là je parle des "Bains" celui de l’eau et qui nous rapproche de notre jeunesse quand rien ne semble faire peur à nos corps. Car, voyez-vous, j’ai remarqué avec l’âge que notre jeunesse, alerte et vaillante, ne nous fait pas craindre le froid bien au contraire, nous l’aimons et j’ai plusieurs souvenirs qui me viennent à l’esprit et qui me tentent de dire à ceux qui sont bien plus jeunes, profitez-en, amusez-vous et plongez dès que vous le pouvez.

    Mes nuits de route.

    Ce qui me reste ancrée ce sont les routes que je faisais dans toute la France, de préférence la nuit, quand j’arrivais après avoir tenu le volant pendant une douzaine d’heures, au petit matin vers cinq ou six heures, je m’arrêtais près d’un torrent en Cévennes puis courrais avec mes camarades pour nous déshabiller afin de plonger dans l’eau. Vous rendez-vous compte ? Douze heures de route, la fatigue, le corps au chaud dans la voiture et plouf, je plongeais dans une eau à laquelle je ne préfère pas me rappeler de sa température. C’est une expérience que j’ai fait trois ou quatre fois et j’en étais heureux, mes camarades aussi, c’est vrai en ce temps là on s’amusait avec trois fois rien. Sinon il y avait la Normandie, moins loin, mais nous partions toujours de nuit, pourquoi ? Tout simplement parce qu’on s’ennuyait, alors on décidait d’aller à la mer, c’est aussi simple que ça et en fin de soirée, après un petit restaurant où nous plongions nos yeux dans un café on ne savait plus quoi faire. Là, c’est pareil, nous arrivions sur une plage, "Ouistreham" ou autres puis nous posions nos affaires pour courir dans l’eau. La Manche ce n’est pas la mer la plus chaude surtout hors saisons, mais ça nous allait bien, nous nagions en nous amusant. Même les pêcheurs qui se lèvent tôt en perdaient la voix, nous étions déjà au bain ou allongés sur nos serviettes comme des touristes d’été quand ils arrivaient.

    La mer ou la rivière même tabac.

    Pas de différence entre la mer, étang et rivière, j’ai l’impression que dans une autre vie je devais être Dauphin, ce n’est pas possible autrement. En Alsace nous plongions dans l’eau d’un petit lac dont je ne me souviens plus du nom, nous nagions, parfois nous prenions un pédalo ou deux, c’était bien entendu des chahuts à n’en plus finir tandis que l’un de nos deux engins se retournait et que l’un des nôtres était coincé en dessous, nous avons réussi à l’extraire, il était temps. Les rivières surtout dans les camps étaient très appréciées nous pouvions y faire des joutes, c’était marrant. Nous en profitions pour nous baigner chaque matin pour la mise en route et chaque soir pour nous reposer de la fatigue. Oui, franchement, en été c’était moins froid qu’en autre saison mais honnêtement, pour nous, ça ne faisait aucune différence, l’eau c’était de l’eau et elle était toujours bonne. Je me souviens avec Sylvie, en plein mois de décembre au Petites Dalles sur la Manche, moi en maillot de bain j’allais plonger alors qu’elle chaudement vêtue m’attendait sur la plage avec une serviette de bain, sans oublier les fenêtres allumées du village et tous les gens qui nous regardaient, c’était à mourir de rire mais moi j’étais bien. Là, par contre, inutile de me demander la température, ce que je sais c’est qu’elle était froide. Oui, j’ai toujours aimé l’eau et je dois avouer que depuis ma descente de rivière dans l’Orne ça ne m’a pas quitté, là, je me suis baigné volontairement ou non pendant trois semaines d’affilées.

    Avec le temps, la Piscine.                            

     

    Mais avec l’âge, la santé aussi, il faut le dire, il ne me reste que la piscine où je me baigne avec plaisir, mais seulement à partir de 28° pas moins, ah, il faut reconnaitre que ma jeunesse est loin. Alors quand je vais chez des amis, parfois, j’en profite mais tenez-vous bien, pas toujours, car même cette belle eau chaude ne me dit plus rien, voilà les dégâts de l’âge, c’est surtout ça quand une passion vous quitte. Alors je le dis et le répète, profitez de votre jeunesse, baignez-vous, amusez-vous, nagez, vous en serez très heureux.

    Blanchard Daniel - Porthos


  • EXPRESSIONS DE MON TEMPS

     

    L’ITALIE 

     

    Le voyage était long, c’est vrai, mais en ces années là pas question de compter sur l’autoroute, c’était la RN6 ou RN7 puis ensuite nous avions cinq ou six points de passages par les Alpes pour arriver à la frontière. Je passe donc sur cette route que je faisais, allongé sur des couvertures avec mon oreiller pour me réveiller quelque part en France sur le coup des neuf ou dix heures. Mon père roulait déjà depuis plus de cinq heures, c’est dire que je n’étais pas arrivé au bout.

    Mais l’Italie était là et nous ouvrait les bras.

    La première chose à laquelle mon père ne pouvait se passer c’était la glace Italienne, 20 lires, dix centimes français et j’en avais une montagne sur mon petit cornet, la seconde c’était les autoroutes, œuvre de Mussolini, nous roulions beaucoup mieux et beaucoup plus vite jusqu’à "Castelletto", le village de mes grands-parents, là où la famille était, nous attendait pour nous accueillir avec beaucoup d’amabilité, de geste et de palabres. Ça y est, j’étais bien arrivée, avec ce parfum de campagne mêlé de soleil dont j’allais pouvoir profiter trois semaines. Nous logions dans une chambre au premier ou second je ne me souviens plus, dans une maison où il y avait un escalier abrité extérieur pour descendre à la cuisine et salle à manger. Là il y avait mon copain, un chien que personne ne pouvait approcher, j’étais le seul à venir le voir et quand j’étais menacé, je restais à ses côtés, j’étais super tranquille. Parmi tous ces gens qui habitaient dans la cour, il y avait ma cousine, mignonne comme un cœur, bien plus grande que moi, une de ses amies, une petite bombe et deux de mes cousins.

    Le décor et les personnages étaient plantés.

    Notre village était petit, avec une église et une fontaine, un bar qui faisait épicerie également ma foi c’est tout et l’ensemble était au milieu des champs non loin de l’Adda où nous allions nous baigner. Nous partagions une plage de galets avec des femmes qui lavaient leurs linges, parfois nous traversions sur une barque pour aller au Grand Paradiso manger des fritures. Si ce n’était pas le paradis ça lui ressemblait, vraiment. Nous allions faire les courses à Bergame, une ville plus grosse où il y avait un marché et un bon nombre de commerçants. J’ai le souvenir des cloches qui sonnaient, c’était très sympathique, les étalages étaient riches, colorés et odorants. Je remarquais des policiers dans leurs belles tenues, je trouvais que les nôtres faisaient un peu pauvrets à côté. Puis nous rentrions avec nos voitures immatriculées 75 ce qui poussait les gens à nous regarder avec curiosité. Les repas à table étaient bien, même si ce n’était pas ma tasse de thé en ce temps-là, j’appréciais toute la famille autour de la table avec le regret des poivrons un peu trop présents dans nos menus. De la soupe au plat de résistance ils en collaient partout, or, moi je n’aimais pas le poivron… Bref.

    La campagne et nos excursions.

    Mes promenades dans les champs de maïs, sur les berges de la rivière ou dans le village y étaient nombreuses, parfois nous montions des expéditions à deux voitures. Une fois nous sommes arrivés en haut d’une colline où se trouvaient de superbes ruines quand la pluie s’est mise à tomber en abondance, nous avions prévu un pique-nique, il s’est fait dans les voitures où on se passait les produits de l’une a l’autre avec un imperméable accroché en haut des portières. C’était un moment ordinaire, mais pour nous tous c’était un jour particulier où nous avions beaucoup ri, du reste on en parle encore, c’est dire. La visite des lacs, Côme superbe très fleuri avec de belles maisons, Majeur avec son ile, ses villas et ses parterres fleuris et le Lac de Lugano et ses villages accrochés au flanc de montagnes. C’était vraiment de belles vacances. Pour la petite histoire j’avais hérité d’une casquette de capitaine de Marine dans une station Agip, j’en ai fait bon usage. Puis les Montagnes, là ce sont les Alpes du Nord, certes, mais ce sont les même que les nôtres avec une différence dans les villages aux granges flanquées de planches épaisses et disjointes, les Eglises étaient présentes, les prêtres nombreux, la vie dans ces chemins où les troupeaux s’attardaient pour manger l’herbe des fossés : moutons, chèvres, vaches, il y avait de tout. Oui, c’est mon Italie à moi, celle que je garde au plus profond de moi-même et dont je ne veux plus me séparer.

     

    Blanchard Daniel - Porthos

     


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    LA MAISON HANTEE

    Alors ceux qui restent absolument cartésiens, qui ne croient  que ce qu’ils touchent comme Saint Thomas je les respecte, je trouve que leur position est honorable et ne mérite pas d’être critiquée, par contre, vous n’êtes pas obligés Mesdames et Messieurs de lire ce qui suit.

    Mes parents ont acheté une maison à la campagne, une ferme avec une cour carrée et des dépendances plus 5 ou 6000 mètres de terrains. Une affaire en or, si peu chère que mon père s’est cru béni de Dieu, une occasion comme celle-là il ne la retrouvera pas. Seulement nous ignorions qu’elle était déclarée "hantée" et nous nous en sommes rendus compte bien des mois après sans oser en parler à nos voisins. Cela a commencé doucement, avec des déplacements d’objets, puis des murmures comme ma mère qui, couchée, entend un brouhaha dans la cour et une voix appeler un prénom à peine audible, quand elle se précipite pour ouvrir la porte il n’y a rien, pas un chat et c’est le silence total.

    Les disparitions d’objets sont nettement plus impressionnantes, imaginer une soupière, ce n’est pas le truc que l’on se met dans la poche pour se balader, c’est vraiment imposant et c’est la raison pour laquelle elle était posée sur la maie, un jour elle disparait, ma mère est inquiète, elle commence par nous soupçonner de l’avoir cassée et envoyée à la poubelle. Cette histoire dure deux mois au moins quand un jour elle réapparait à la même place, comme ça, à la stupeur de nous tous. Il y avait les présences, c’est une chose que l’on peut mettre sur l’indisposition d’une personne, une sensation, une illusion, seulement quand vous sentez la présence d’un être qui vous est cher ou du moins un habitué vous vous retournez et il est là, ça c’est logique, mais quand vous lui parlez et que vous vous retourner pour ne rien y voir vous vous dites qu’il y a une anomalie.

    Je ne vais pas parler de choses parfois plus inquiétantes, si, ma mère par exemple qui se réveille elle commence à avoir froid et sent quelque chose l’envahir, elle allume la lumière et se lève, tout disparait. Les cas comme ceux-là sont trop nombreux jusqu’au jour où nous étions à quatre à jouer au Tarot, nous avons bien rigolé, l’ambiance était bonne quand soudain trois coups sont frappés à la porte, mon Dieu, trois coups dont vous ne soupçonnez pas la force, inouïe, nous sursautons, après une minute d’hésitation je me précipite vers la porte et l’ouvre, la cour est déserte, totalement et le portail est fermé. Nous nous installons de nouveau à table mais j’ai les yeux rivés sur la porte quand soudain ça recommence, des coups violents, tels des coups de canon contre la porte que je vois se dégonder, vous me lisez bien ? Je vois se dégonder la porte ! Puis c’est de nouveau le calme, cette fois nous sortons avec les fusils et faisons le tour de la cour en vitesse, nous avons été si rapides que personne ne pouvait s’enfuir sans être vu.

    Ma mère voit un fantôme, elle ne dit pas un mot, moi un soir je sors pour profiter de cette nuit d’été, je regarde les étoiles quand soudain je sens un froid intense s’approcher de mon dos, un froid réel, incroyable, je me retourne et je vois un homme, dans la cour, alors que tout est fermé, ma première réaction c’est de dire « qu’est-ce que vous faites-là », ce n’est pas très intelligent mais je n’avais rien d’autre à dire quand j’ai vu le portail se dessiner derrière son corps, là, j’ai été impressionné, j’ai reculé, jusqu’à la porte, j’ai mis la main sur la poignée et il a disparu. Quand je l’ai dessiné et que ma mère en a fait autant nous en sommes venus au même personnage, veste, casquette, bottes. Les puisatiers n’ont jamais voulu descendre dans le puit, les couvreurs non plus, nous avons fini par en trouver un en dehors du coin, un jeune qui a accepté de refaire la toiture et quand ils travaillaient sur le toit ils ont vu un petit garçon sur les ruines d’en face qui les a regardé travailler toute l’après-midi, il avait un pull rouge, quand ils ont demandé au village si un gamin ne s’est pas perdu les gens ont répondu « Un petit avec un pull rouge ? On le connait, ca fait des années qu’il est là ». Résultat les travaux finis notre couvreur nous a demandé de ne plus le rappeler. Notre vieux tailleur de pierre, Monsieur Garnier, avait fini par nous avouer que cette maison était invendable car hantée et que cela se savait dans tout le voisinage, brave homme, c’est le seul qui nous parlait librement et avec qui nous pouvions échanger nos impressions. A force de travaux, en condamnant une porte par ci, une fenêtre par la, en ouvrant d’autre accès, les manifestations se sont apaisées, dire qu’il n’y a vraiment plus rien, c’est à voir, comme dernièrement quand nous avons trouvé à l’intérieur d’un mur une botte de cavalier avec son éperon, tout le monde sait bien que l’on ne met pas une botte dans un mur surtout avec son éperon…

    Blanchard Daniel - Porthos 

     





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