• LE BIFTON

    LE BIFTON

    LE BIFTON

     

    C’est à la sortie du Bourg que les choses se compliquent, trois gendarmes attendent devant un fourgon et un petit gros s’avance au milieu de la route en levant une main autoritaire.

    Dans un ensemble parfait, Blanchon et Locarini se penchent pour glisser les mains sous leur siège.

    - C’est dingue ça ! On est au cœur de la banquise et on se fait taper les "fafs" par des archers !

    - Restons calmes, souriants, avec l’insouciance et la bonhomie du touriste.

    Une fois garée sur le côté, les trois gendarmes entourent la voiture avec naturel. Le petit gros se penche à la fenêtre et salue en souriant.

    - Gendarmerie Nationale !

    - Vous faites bien de le dire, avec vos nouvelles casquettes je vous aurais pris pour des cheminots.

    - Je vois que Monsieur donne dans l’humour ? Alors rions ensemble et présentez moi vos papiers !

    Locarini s’exécute de mauvaise grâce…

    - Ceux de Monsieur aussi…

    - Pourquoi, ce n’est pas le chauffeur ?

    - Et moi je ne suis pas employé des postes ! Exécution je vous prie !

    Blanchon tend son porte-cartes. L’Adjudant s’écarte et s’éloigne dans le fourgon pendant que ses hommes regardent avec attention le contenu de la voiture.  Locarini observe son ami avec inquiétude.

    - Il va interroger le sommier ce con ?

    - En ce qui me concerne, je n’ai pas d’ardoise en cours…

    - Moi non plus ! Mais c’est péjoratif tout de même, non ?

    - A mon sens, il nous a repérés au restaurant l’autre soir…

    L’adjudant revient, radieux, les joues rouges et la buée de sa respiration enjouée. Il se penche et rend les documents non sans parler avec une pointe d’ironie.

    - Je vois que vous avez de quoi cultiver tout le pays là-dedans, vous avez l’intention de jardiner ?

    - Vous savez ce que c’est, à la retraite on cherche à s’occuper, on bine de-ci, de-là…

    - Non je ne sais pas ce que c’est ! Et vous avez l’intention de vivre de vos récoltes ?

    Locarini se fend d’un sourire provocateur.

    - On va faire dans le poulet !

    - C'est-à-dire ?

    - Le poulet chez nous c’est une passion, on l’égorge, on le plume et on le fait sauter…

    - Je vois ! Tachez d’être habiles, il y a des poulets qui ne se laissent pas plumer facilement !

    - Sauf les petits grassouillets, j’ai remarqué, ce sont les plus savoureux.

    L’un des gendarmes parle à l’oreille de son chef, Louis Martineau glisse son regard vers le pare-brise.

    - Vous pourriez me donner l’origine de ce trou ?

    Locarini prend un air étonné.

    - J’ai vu ça ce matin, un gravillon sans doute ?

    - De la taille d’une bille ? Je vois, vous avez été agressés par une bande d’écoliers !

    - Quand vous roulez, vous savez…

    - Bien sûr, on peut heurter un peu de tout, des insectes et celui-là il devait être gros.

    Locarini soupire avec une moue indécise.

    - Un bourdon avec un casque intégral ?

    L’Adjudant abandonne son sourire et se redresse en saluant machinalement.

    - Foutez-vous de moi, croyez bien que ça ne va pas durer longtemps et, pour revenir sur la volaille, prenez garde que l’une d’elle ne vous étouffe… Allez, circulez, je vous ai assez vu !

    La voiture repart sur la route gelée.

    - Quel con !

    - Tout de même, cette provocation gratuite ne va pas nous en faire un ami.

    - Tu as déjà vu un mec de chez nous sous la douche avec un perdreau toi ?

    Blanchon se retourne et regarde par la fenêtre arrière.

    - En attendant, avec les gestes qu’il fait, c’est un petit nerveux, il va falloir faire gaffe !

    - Mais arrête de te faire de la bile, nous sommes clairs, non ?

    - Il ne faudrait pas qu’il s’intéresse trop à nous, on ne peut pas avoir des yeux partout !

     


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