• LE COUVERT

    LE COUVERT

     

     - «Je vais vous demander de prendre les patins, ça ne vous ennuie  pas au moins ?»

    - «Non, pas le moins du monde…»

    - «C’est ma femme, vous comprenez ? Elle est maniaque au possible !»

    Ce n’était pas vraiment un vieillard, à soixante ans, de nos jours on est souvent très en forme. Pourtant, je découvrais cet homme bien fatigué, les cheveux blancs, dégarnis, le visage ridé et le dos vouté, il me précédait dans le couloir en glissant doucement sur le parquet rutilant. Effectivement, en découvrant le salon, je devais bien admettre que la châtelaine était pour le moins pointilleuse sur la propreté de la maison.

    Si son mari semblait porter sur ses épaules toutes les misères du monde, il n’en restait pas moins gai et même enjoué au point d’avoir le geste assez vif  pour accompagner la parole.

    Ainsi, un zest d’Italie berçait notre conversation…

    Je commençais donc mon état des lieux à l’étage :  un bureau, une chambre d’ami et la leur au contenu de la penderie largement occupé par les vêtements de Madame, ce qui est généralement le cas ; dans la salle de bain rutilante deux gobelets a brosse à dents, des produits de beauté, bref, du classique… Ma visite se déroulait dans une bonne ambiance, nous parlions de tout et de rien, nous avions commencé  par la météo, le coup classique avant d’aborder des sujets plus sérieux notamment la retraite de son épouse qui leur permettait à tous deux de retourner au pays pour y couler des jours heureux.

    Une fois terminé, je demandais où  m’installer pour chiffrer mon devis, vu que la table de la cuisine était déjà dressée et que tout était prêt pour le retour de sa femme. Nous décidons donc de nous installer au salon où je peux consciencieusement calculer mon prix.

    - «J’aimerais que nous ne tardions pas car elle va bientôt arriver et la pauvre n’a que la force de se mettre les pieds sous la table».

    Je rassure ce brave homme et lui communique peu après le montant de ma prestation de déménagement. L’affaire est entendue, il signe et me verse les arrhes… Nous échangeons encore quelques mots avant de nous quitter puis je retourne à ma voiture.

    Trois jours après je reviens pour lui livrer des fournitures mais mon client n’est pas là, alors je sonne chez son voisin, un petit pavillon planté au cœur d’une végétation ébouriffée.

    - «Je viens livrer des fournitures pour Monsieur et Madame « X »

    L’individu s’étonne.

    - «Monsieur, c’est « Monsieur »…»

    - «Pourquoi ? Il n’est pas marié ?»

    - « Sa femme est morte voilà plus de dix ans… »

     

    LE COUVERT


     

     


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