• UNE SEMAINE AVEC MON PERE

    UNE SEMAINE AVEC MON PERE

    UNE SEMAINE AVEC MON PERE

    Un jour mon père s’est vu supprimer son permis pendant huit jours, ce qui était une affaire d’état. Mon père qui ne supportait pas de payer ses impôts le jour même, il s’acquittait de cette tâche deux ou trois jours avant, qui ne voulait pas un découvert à la banque, bref, là il s’est fait piquer son permis et c’était une affaire d’une gravité absolue. Je lui proposais donc de le conduire pendant sa semaine de travail pour ne pas qu’il perde quoi que ce soit sur son salaire et l’affaire était entendue. Après tout, une semaine ce n’était pas catastrophique et c’est à cette occasion que j’ai fait connaissance du travail de mon père pendant une semaine dans le nord de la France.

    Une vie de dingue.

    Nous sommes partis le lundi, direction le 3secteur Nord" car il avait plusieurs secteurs, notamment l’Est, puis nous avons roulé. Au début il était inquiet imaginez, laisser le volant à son fils c’était plutôt dangereux non ? Mais il s’est vite fait à ma conduite et il devenait plus cool côté passager. Je roulais avec prudence et sans faire d’excès de vitesse, il avait pris la leçon, alors quand il y avait 130 ce n’était pas 132, il fallait faire gaffe. Bref, je l’ai donc accompagné chez ses clients. L’attente, c’est terrible de voir ça, on se croirait dans une salle d’attente chez le médecin ou le dentiste, ils sont tous sagement assis et ne disent pas un mot, à croire qu’ils prient pour vendre quelque chose. J’étais intérieurement révolté de voir ces gros mecs se prélasser dans le couloir sans un regard pour ces hommes qui venaient vendre leurs produits. Puis papa fut appelé, j’attendais dans la salle d’attente, il est ressorti 20 mn après, tout souriant, il avait bien vendu, ce qui ne satisfaisait pas ceux qui attendaient. Voilà comment se passaient nos journées, le midi nous mangions dans des restaurants parfois il rencontrait une connaissance et nous partagions sa table.

    La solitude, toujours.

    Moi j’étais jeune, je n’arrivais pas à comprendre le monde du travail comme mon père l’avait assimilé, mais je n’en disais rien, nous parlions de choses et d’autres, ça c’était les bons moments. Nous roulions de villes en nationales, de magasins en magasins, l’attente, toujours, mon père qui revenait souriant ou pas trop, ça dépendait. Le soir c’était l’hôtel, une petite chambre, salle de bains, nous partagions la même piaule, papa ne voulait pas faire supporter le prix de ma présence à son entreprise, les produits "Curtis". Une boite qui donnait dans la laque et les produits de beauté. Je regardais mon père et malgré moi j’avais le cœur serré, c’était donc ça sa vie ? Des randonnées dans les grandes surfaces, des restaurants le midi et le soir pour finir seul dans sa chambre, je n’en revenais pas, voilà donc ce que faisais mon père pendant que je m’amusais de mon côté. Je peux dire qu’à ce moment-là j’ai pris un coup de vieux quelque part. J’étais déjà attaché à mon père mais là, j’étais plus que jamais soudé à lui.

    Des souvenirs.

    Un soir il décida d’égayer notre soirée, nous allions dans les rues désertes d’une ville à la recherche d’un bar mais pas d’un bistrot, d’un bar de nuit que nous avons trouvé. Un truc grand et sympa avec des fauteuils confortables, nous avons pris un verre et nous avons passé le temps à discuter. Je savais que mon père était là pour moi, il était gêné de me voir avec lui comme ça, le soir, il voulait marquer le coup. Un midi nous étions dans un restaurant où nous mangions en tête à tête, il y avait deux femmes pas mal qui mangeaient à nos coté à une table voisine, elles n’arrêtaient pas de nous faire du gringue, j’allais pas me soulever une nana alors que j’étais avec mon père et en service commandé. Lui ça l’amusait moi du coup beaucoup moins. Quand nous sommes sortis il m’a confié « J’ai l’habitude, ce sont des femmes qui s’ennuient », et quand je lui demandais si des fois ça ne l’intéressait pas de faire un écart dans le contrat, il avait rigolé en haussant les épaules « je n’y pense même pas ! » et c’est vrai, plus sérieux que mon père ce doit être le pape et encore. Quand en fin de semaine il regarde ses papiers et qu’il fait un calcul global il me dit « c’est pas mal, ce n’est pas une mauvaise semaine » j’ai donc été satisfait, j’avais été utile. Nous avons repris la route tous les deux pour redescendre sur la capitale, là nous avons retrouvé maman elle me demandait comment ça s’était passé, je lui ai répondu « crois moi, ce que papa fait j’en serais incapable ».

    Blanchard Daniel - Porthos